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JoKons committed Mar 9, 2023
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Expand Up @@ -245,7 +245,7 @@ Philétas voyait le moment où toute sa fermeté allait l'abandonner. Son cœur
Philis prit son silence pour de l'insensibilité. Je le vois bien, dit-elle, je le vois, il ne vous reste plus que la crainte de me dire que vous ne m'aimez plus.... Je sais tout.... Pourquoi garderais-je maintenant cette colombe? Tenez, Philétas, reprenez-la: vous pourrez l'offrir à la bergère qui vous console. Je n'ai plus besoin de rien qui me rappelle le temps qui n'est plus; je ne dois même rien garder... Hélas! non.... Voilà votre colombe, Philétas: pauvre colombe!
Philis voulut la baiser encore une fois; elle la couvrit de larmes; mais, faisant un effort sur elle-même, elle la présenta de nouveau. L'oiseau profitant de l'occasion, s'échappa et s'envola sur un arbre voisin. Ma colombe, s'écria Philis dans le premier mouvement, ma colombe, Philétas! Le berger n'écouta que le cri, il monta sur l'arbre, prit la colombe et vint l'offrir à la bergère.
Elle ne se rappela plus qu'elle la rendait; elle la saisit et la rapprocha encore une fois de son sein. Il faut pourtant que je vous la rende, dit-elle un moment après! Me la rendre! reprit Philétas, je vous l'avais cependant donnée de tout mon cœur. Mais, Philétas, n'y suis-je pas obligée?
-- Philis, n'étais-je pas enfant quand je vous l'ai porté. -- Il est vrai; je la garderai donc: je puis me retracer les souvenirs de mon enfance sans blesser mon devoir..... Vous les avez oubliés, vous, Philétas. -- Oubliés!.... Il faut qu'ils restent là, ajouta-t-il, en portant la main sur son cœur; il faut qu'ils restent là pour le tourment de ma vie. Vous serez donc malheureux aussi, reprit Philis avec un accent qui marquait la joie et la douleur! -- Pouvez-vous le demander, après avoir connu mon cœur? --Cet aveu me rend à la vie, et cependant je ne devrais point l'entendre. O Philétas! pourrons-nous vivre séparés....
-- Philis, n'étais-je pas enfant quand je vous l'ai porté. -- Il est vrai; je la garderai donc: je puis me retracer les souvenirs de mon enfance sans blesser mon devoir..... Vous les avez oubliés, vous, Philétas. -- Oubliés!.... Il faut qu'ils restent là, ajouta-t-il, en portant la main sur son cœur; il faut qu'ils restent là pour le tourment de ma vie. Vous serez donc malheureux aussi, reprit Philis avec un accent qui marquait la joie et la douleur! -- Pouvez-vous le demander, après avoir connu mon cœur? -- Cet aveu me rend à la vie, et cependant je ne devrais point l'entendre. O Philétas! pourrons-nous vivre séparés....
après tant de jours passés en nous aimant, après une si longue habitude de nous aimer! -- Philis! pourquoi déchirer encore la blessure qui m'a donné la mort. -- Non, mon cher Philétas, mon bien aimé; non, tu ne mourras point, s'écria Philis, en se jetant dans les bras du berger, comme elle l'eut fait dans un autre temps; nous vivrons... ou plutôt nous mourrons ensemble, ajouta-t'elle en soupirant.
Philétas la pressa sur son sein, dans un transport involontaire. Cette douce étreinte sembla la ranimer: ô Philétas! dit-elle, l'Amour même m'inspire; écoute, courons nous jeter aux genoux de mon père; il est bon, la vue de notre malheur l'attendrira, et il se hâtera de le faire cesser. Viens, Philétas, viens, mon bien-aimé. Philétas se laissait conduire.
Et où allez-vous, mes enfants? leur diton, en les arrêtant. C'était Timétas qui les avait entendus. Voudriez-vous tenter le cœur d'un bon père, et le toucher au point de lui faire oublier ce que lui commande l'honneur. Il a donné sa parole: Philis, vous êtes déjà l'épouse de Ménalque; Philétas, respectez-la.
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Expand Up @@ -185,8 +185,7 @@ Joséphine, pendant notre absence, se trouvant seule avec Emilie pour la premiè
-Allez-vous dire qu'on en sera plus décente? dit Emilie en riant.
-J'en serais tentée, dit Joséphine. Avez-vous vu un air de sainte pareil à celui de Mme votre tante? Et Dieu sait cependant que sans compter le cher chevalier...
-C'est assez, interrompit Emilie; je te dispense de tes preuves; mais dis-moi si tu ne t'es point trop fatiguée tous ces temps-ci. Bien souvent tu as veillé la moitié de la nuit, et le jour ton ouvrage ne s'en faisait pas avec moins d'exactitude. Je te voyais partout: j'ai admiré ton activité et ta vigilance; mais j'ai craint pour ta santé.
-Bon! Mademoiselle; quand cela est nécessaire et que ce ne sont pas les fantaisies des maîtres qui harcèlent leurs gens, ils ne sentent que du plaisir dans la fatigue. Tenez, ce que vous venez de me dire me ferait oublier mille veilles et toutes sortes de travaux; mais je n'ai point été aussi surchargée de peine que vous le croyez. Il est bien vrai que Henri m'a un peu moins aidée qu'il ne faisait, mais M. Lacroix sait tout, fait de tout; il est cuisinier, tapissier, jardinier; que n'est-il pas? Soyez heureuse, Mademoiselle, et Joséphine sera trop contente...
Joséphine soupira. Nous revenions et nous les rejoignîmes.
-Bon! Mademoiselle; quand cela est nécessaire et que ce ne sont pas les fantaisies des maîtres qui harcèlent leurs gens, ils ne sentent que du plaisir dans la fatigue. Tenez, ce que vous venez de me dire me ferait oublier mille veilles et toutes sortes de travaux; mais je n'ai point été aussi surchargée de peine que vous le croyez. Il est bien vrai que Henri m'a un peu moins aidée qu'il ne faisait, mais M. Lacroix sait tout, fait de tout; il est cuisinier, tapissier, jardinier; que n'est-il pas? Soyez heureuse, Mademoiselle, et Joséphine sera trop contente... Joséphine soupira. Nous revenions et nous les rejoignîmes.
Mme de Vaucourt dit à Emilie que, n'ayant pu se résoudre ni à la quitter ni à lui être longtemps à charge, elle venait de s'arranger pour devenir sa voisine.
-Si vous m'aimez un peu, dit-elle, vous me permettrez, quand j'habiterai ma nouvelle demeure, de faire faire une porte de communication entre votre chambre et la mienne.
En même temps elle l'embrassa avec un mouvement si tendre qu'Emilie en fut sensiblement touchée.
Expand Down Expand Up @@ -528,8 +527,8 @@ Que dites-vous, Monsieur l'abbé, de notre projet? Ne sommes-nous pas modestes,
Ce 25 décembre 1794.
LETTRE VI Constance à l'abbé de la Tour Le cours a commencé. Nous avons quatorze garçons et trois filles. Ce qui a restreint le nombre des écoliers, c'est que Théobald n'a pas voulu d'enfants au-dessous de dix ans, ni au-dessus de quinze. Il a donné un adjoint à notre jeune maître. C'est un Hollandais, né en Nord-Hollande, sur les bords du Zuiderzee, dans un de ces villages où Descartes inspira le goût de l'algèbre et de la géométrie. Ce goût s'y est conservé. La plupart des maîtres d'école y enseignent les mathématiques; beaucoup de paysans les étudient et deviennent de bons calculateurs et d'habiles mécaniciens. Les disputes politiques ennuyaient depuis longtemps l'Archimède hollandais; la guerre l'étourdissait: sans attendre le siège, il a quitté Syracuse. Par son moyen, nos enfants apprendront parfaitement l'arithmétique, et nous avons ajouté l'arpentage aux autres sciences dont nous essayons de les douer. Je vous entretiens de tout ceci, Monsieur l'abbé, avec une grande confiance. Vos idées, je le vois, se portent sur des objets très semblables à ceux qui occupent les nôtres: vous vivez avec des gens instruits; j'en suis fort aise. S'il est douteux que l'instruction convienne aux classes laborieuses de la société, il me paraît bien certain qu'elle est nécessaire à la classe oisive.
Il me tarde que le comte revienne. Sa femme m'est à charge. Hors le roman du jour dont tout le monde parle, elle ne peut rien lire; hors quelques ouvrages de mode, elle ne peut rien faire; hors quelques aventures amoureuses ou galantes, elle ne peut s'intéresser à rien. Joséphine, qu'elle dédaigne, est en effet trop bonne compagnie pour elle, et quand ce ne serait pas la situation qui leur est commune et qui la gêne parce qu'elle forcerait la comtesse à faire asseoir devant elle la chambrière, je ne crois pas qu'elle en tirât plus de parti qu'elle ne fait. La sage-femme avec son caquet est de quelque ressource: elle a appris son métier dans des villes où la comtesse connaît beaucoup de gens et en raconte tant qu'on veut les histoires scandaleuses; mais de temps en temps on trouve qu'elle s'émancipe trop, qu'il n'y a point assez de dignité à se laisser amuser par une femme de cette espèce, et faisant rentrer la causeuse dans le néant, on n'a plus de société que l'ennui et l'humeur. Les lettres du comte ne sont guère satisfaisantes: une modique pension est tout ce qu'il se flatte d'obtenir. Seule, la comtesse aurait peine à se faire recevoir chez aucun de ses parents, et l'enfant qui naîtra double la difficulté.
Vous prévoyez avec plaisir, dites-vous, que Marat sera bientôt chassé du Panthéon français. Pour moi, j'avoue que cela m'est assez égal, et me serait égal quand même je m'intéresserais beaucoup aux autres choses qu'on fait et défait dans ce pays-là. Pourquoi un Panthéon? pourquoi des Apothéoses? Voltaire et Rousseau, à votre avis, ressemblent-ils à des dieux? Je comprendrais peut-être qu'un homme qui ne serait connu que par quelque action éclatante, un conquérant tel que Bacchus, apportant à ses sujets le cep et la vigne, parmi ses trophées; un Hercule, délivrant son pays de tyrans et autres monstres; je comprendrais, dis-je, comment la reconnaissance et l'admiration pourraient les déifier: leur vie privée, leurs actions journalières, leurs grandes prétentions, leurs petites querelles, ne viendraient pas, bien connues, bien appréciées, dénoncer l'homme et détruire le dieu. Mais Rousseau, mais Voltaire, n'ont-ils pas, comme on dit, donné leur mesure à tout le monde? L'un était le plus bel esprit, l'autre le plus admirable écrivain qui aient jamais été; mais loin qu'à mes yeux cela les divinise, je ne sais s'il n'y aurait pas dans l'esprit que l'un a prodigué, et dans les phrases que l'autre a si admirablement arrangées, quelque chose qui pourrait nuire à la dignité d'un grand homme? Il est des hommes que, soit mérite éminent de leur part, soit illusion de la nôtre, nous sommes tentés de mettre dans notre estime au-dessus de la condition humaine. Ces hommes ne seraient-ils pas, en quelque sorte, déparés par ce qui fait la gloire de ceux auxquels on prétend ériger des autels? Ils ont plus fait, ils ont moins dit et ne se sont pas piqués de si bien dire. Croirait-on louer Lycurgue ou Solon, Epaminondas ou Germanicus, en disant qu'ils avaient beaucoup d'esprit et qu'ils écrivaient supérieurement bien?[ERROR: no reftable 3:] L'écrivain, le bel esprit, se donne à mon gré trop de mouvement, se montre trop aux yeux de la multitude pour n'en pas perdre quelque chose de sa dignité, et Cicéron serait à mes yeux un grand homme si je ne connaissais de lui que son consulat. J'aime bien mieux qu'il ait été tout ce qu'il était: moi aussi je gagne, à ce qu'on a fait pour le public et pour la gloire, car je suis une portion du public, et l'on recherche mon suffrage quand on prétend aux suffrages 1. Jésus-Christ a fait peu de longs discours et n'a dicté ni les Évangiles, ni les Épîtres.
de tous; mais qu'on ne demande pas pour ceux qui l'ont recherché, un culte que je ne puis leur rendre: en général, qu'on ne demande pas pour soi ni pour autrui l'oubli des bornes de toute perfection humaine. Quoi que l'exagération publie, de quelque orgueil qu'on se gonfle, je vois des erreurs avec des clartés, de la faiblesse avec de la force, et la vaine enflure que l'on prête aux objets, ne me dispose que davantage à chercher et à mesurer au juste leur véritable grandeur.
Vous prévoyez avec plaisir, dites-vous, que Marat sera bientôt chassé du Panthéon français. Pour moi, j'avoue que cela m'est assez égal, et me serait égal quand même je m'intéresserais beaucoup aux autres choses qu'on fait et défait dans ce pays-là. Pourquoi un Panthéon? pourquoi des Apothéoses? Voltaire et Rousseau, à votre avis, ressemblent-ils à des dieux? Je comprendrais peut-être qu'un homme qui ne serait connu que par quelque action éclatante, un conquérant tel que Bacchus, apportant à ses sujets le cep et la vigne, parmi ses trophées; un Hercule, délivrant son pays de tyrans et autres monstres; je comprendrais, dis-je, comment la reconnaissance et l'admiration pourraient les déifier: leur vie privée, leurs actions journalières, leurs grandes prétentions, leurs petites querelles, ne viendraient pas, bien connues, bien appréciées, dénoncer l'homme et détruire le dieu. Mais Rousseau, mais Voltaire, n'ont-ils pas, comme on dit, donné leur mesure à tout le monde? L'un était le plus bel esprit, l'autre le plus admirable écrivain qui aient jamais été; mais loin qu'à mes yeux cela les divinise, je ne sais s'il n'y aurait pas dans l'esprit que l'un a prodigué, et dans les phrases que l'autre a si admirablement arrangées, quelque chose qui pourrait nuire à la dignité d'un grand homme? Il est des hommes que, soit mérite éminent de leur part, soit illusion de la nôtre, nous sommes tentés de mettre dans notre estime au-dessus de la condition humaine. Ces hommes ne seraient-ils pas, en quelque sorte, déparés par ce qui fait la gloire de ceux auxquels on prétend ériger des autels? Ils ont plus fait, ils ont moins dit et ne se sont pas piqués de si bien dire. Croirait-on louer Lycurgue ou Solon, Epaminondas ou Germanicus, en disant qu'ils avaient beaucoup d'esprit et qu'ils écrivaient supérieurement bien?
[ERROR: no reftable 3:] L'écrivain, le bel esprit, se donne à mon gré trop de mouvement, se montre trop aux yeux de la multitude pour n'en pas perdre quelque chose de sa dignité, et Cicéron serait à mes yeux un grand homme si je ne connaissais de lui que son consulat. J'aime bien mieux qu'il ait été tout ce qu'il était: moi aussi je gagne, à ce qu'on a fait pour le public et pour la gloire, car je suis une portion du public, et l'on recherche mon suffrage quand on prétend aux suffrages de tous; mais qu'on ne demande pas pour ceux qui l'ont recherché, un culte que je ne puis leur rendre: en général, qu'on ne demande pas pour soi ni pour autrui l'oubli des bornes de toute perfection humaine. Quoi que l'exagération publie, de quelque orgueil qu'on se gonfle, je vois des erreurs avec des clartés, de la faiblesse avec de la force, et la vaine enflure que l'on prête aux objets, ne me dispose que davantage à chercher et à mesurer au juste leur véritable grandeur.
Ce 28 décembre 1794.
LETTRE VII Constance à l'abbé de la Tour Déjà des difficultés, des peines, ou du moins des rabat-joie dans notre établissement. Qu'on se flatte de recommencer la société tout entière, quand on ne peut seulement établir, comme on le voudrait, une école à Altendorf. Le premier jour de l'an, Théobald recevant, à la place de son père, les compliments de nos notables, vit dans la physionomie de l'un d'eux des marques de chagrin. Il lui en demanda la cause, et apprit que les enfants de cet homme ayant tous plus de quinze ans, on ne participait point chez lui au bienfait de la nouvelle institution, et qu'il en était désolé. Théobald a demandé s'il y avait d'autres pères de famille qui fussent dans le même cas: on lui a répondu qu'il y en avait dix, et qu'ils avaient délibéré de venir faire une humble représentation à leur jeune seigneur, et le supplier d'admettre au cours un de leurs enfants, soit le plus jeune, intelligent ou non, soit celui d'entre eux qui aurait le plus d'aptitude, comme dans les familles où les enfants avaient l'âge requis. Je ne puis rien changer à mon plan, a dit Théobald; mais je penserai à ce que vous venez de me dire: revenez demain apprendre de moi ce que j'aurai résolu. Il était peiné en me racontant cela; il avait peur de mes réflexions. Je n'en ai fait aucune de celles qu'il chagrinait, et j'ai très sérieusement examiné, avec lui, ce qu'il y avait de mieux à faire. C'est à ses dépens qu'il tâche d'arrêter la fermentation que la jalousie commençait déjà à exciter, car on s'était permis de dire qu'il vaudrait mieux supprimer le cours, que de n'en pas rendre le bienfait plus général. Dix écoliers choisis par leurs parents dans les moins jeunes familles, comme dans les autres, viendront deux fois par semaine prendre une leçon de Théobald lui-même, et dans son propre appartement. Le jeune maître qui n'est pas plus âgé que l'aîné d'entre eux, ne sera là que sous-maître, ou plutôt, il y sera écolier. On ne s'y occupera que des études par lesquelles devra finir l'autre cours, et dans lesquelles il est encore peu expert. Son dessein était bien d'apprendre, pour se préparer à enseigner, et ce nouvel établissement lui en facilite les moyens. Théobald qui a l'esprit fort net, lui donnera tout à la fois des leçons de grammaire, de logique, de jurisprudence, et d'enseignement. Pour lui, cette école ressemblera parfaitement aux écoles normales qu'on prétend établir à Paris. Les autres écoliers forment un singulier assemblage: l'un d'eux est fort ignorant, un autre fort rustre, un autre croyait tout savoir avant l'institution théobaldienne, et le dépit d'ignorer nuit chez lui au désir d'apprendre: enfin, Théobald aura bien de la peine; et déjà il voit que rien n'est aisé de ce qu'on veut faire faire aux hommes, ni de ce qu'on veut faire pour eux.
Je tremble que vous ne soyez mécontent de la lettre où, à propos du Panthéon, je vous parle de Voltaire et de Rousseau. Vous trouverez que, pour juger s'ils étaient dignes des hommages de la société, il fallait examiner s'ils lui ont fait du bien; mais je suis incapable d'un pareil examen: la chose est trop compliquée pour ma faible tête. D'ailleurs, de quoi s'agirait-il dans cette question, de l'intention ou de l'événement? de ce qu'ils ont voulu ou de ce qu'ils ont opéré? C'est ce dernier point qui est trop difficile pour moi. Quant à leur intention, je crois qu'elle a été vaine, diverse, ondoyante, selon l'expression de Montaigne. Voltaire est peut-être le plus vain des deux. Rousseau le plus divers: tantôt il excite ses compatriotes, tantôt il les apaise; tantôt il veut qu'ils ressentent ses injures, tantôt qu'ils les oublient. Cet oracle, que l'on consulte sans cesse, après avoir vanté mille fois le prix inestimable de la liberté, dit qu'elle serait trop achetée, si elle l'était par une goutte de sang. Oh! qu'il est naturel qu'on ait de l'autorité sur la multitude, quand tour à tour on flatte avec art des penchants opposés! Ici la révolte est sanctifiée, là c'est la soumission; et l'inconséquence elle-même, si elle ne peut citer une éloquente page où elle soit érigée en vertu, trouvera, du moins, à s'étayer d'un grand exemple.
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